Fonctionnement budgétaire et comptable d'une université française
Introduction
Cette fiche technique présente les grands principes du fonctionnement budgétaire et comptable des universités françaises.
I. Cadre juridique et réglementaire
1.1 Les textes fondamentaux
Le fonctionnement financier des universités françaises repose sur plusieurs textes législatifs et réglementaires clés :
- Le Code de l'éducation est le socle juridique qui définit le statut des universités en tant qu'établissements publics. Il précise leur organisation administrative et financière ainsi que leurs missions fondamentales.
- La Loi LRU (Libertés et Responsabilités des Universités) de 2007, également appelée loi Pécresse, a constitué un tournant majeur en accordant aux universités l'autonomie budgétaire et financière complète. Cette loi a transféré aux établissements la gestion de leur masse salariale et de leur patrimoine immobilier, précédemment gérés par l'État.
- La Loi ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) de 2013 a complété le dispositif en renforçant la gouvernance des universités et les regroupements d'établissements.
- Le Décret GBCP (Gestion Budgétaire et Comptable Publique) de 2012 constitue le cadre réglementaire commun à tous les organismes publics. Il définit les règles budgétaires et comptables fondamentales que les universités doivent appliquer.
1.2 Le statut financier des universités
Les universités sont classées comme EPSCP (Établissements Publics à caractère Scientifique, Culturel et Professionnel). Ce statut particulier leur confère :
- La personnalité morale : Chaque université est une entité juridique distincte qui peut agir en son nom propre, contractualiser, posséder des biens, ester en justice, etc.
- L'autonomie financière : Elles disposent d'un budget propre qu'elles élaborent et exécutent selon leurs priorités, dans le respect du cadre réglementaire. Cette autonomie signifie que les décisions financières sont prises au niveau de l'établissement et non plus au niveau ministériel.
- Le régime des responsabilités et compétences élargies (RCE) : Depuis la loi LRU, les universités gèrent l'intégralité de leur budget, y compris la masse salariale qui représente environ 80% des dépenses. Cette responsabilité accrue implique une gestion rigoureuse pour assurer l'équilibre financier.
II. Organisation financière de l'université
2.1 Les acteurs clés
Le fonctionnement financier d'une université repose sur plusieurs acteurs qui jouent des rôles complémentaires :
- Le Président de l'université est l'ordonnateur principal du budget. Cela signifie qu'il est juridiquement responsable de l'engagement des dépenses et de la mise en recouvrement des recettes. Dans la pratique, il délègue souvent une partie de ses pouvoirs à d'autres responsables (vice-présidents, directeurs de composantes, etc.), mais conserve la responsabilité finale de l'exécution budgétaire.
- Le Conseil d'Administration (CA) détient le pouvoir budgétaire. C'est lui qui vote le budget initial et les budgets rectificatifs, approuve le compte financier et plus généralement, définit la politique financière de l'établissement. Le CA est composé de représentants élus (enseignants-chercheurs, personnels administratifs, étudiants) et de personnalités extérieures.
- L'Agent Comptable est un fonctionnaire du Trésor public, personnellement et pécuniairement responsable des opérations qu'il effectue. Il est chargé de tenir la comptabilité générale, de contrôler la régularité des opérations, de payer les dépenses et d'encaisser les recettes. Son indépendance vis-à-vis de l'ordonnateur est une garantie fondamentale de la gestion publique.
- La Direction des Affaires Financières (DAF) est le service administratif qui assiste le Président dans sa fonction d'ordonnateur. Elle prépare les documents budgétaires, suit l'exécution du budget, analyse les coûts et élabore des prévisions financières. Elle joue un rôle d'interface entre les composantes de l'université et l'agence comptable.
2.2 Séparation des fonctions
La séparation entre l'ordonnateur et le comptable est un principe fondamental des finances publiques françaises qui s'applique pleinement aux universités. Cette séparation constitue une sécurité dans la gestion des deniers publics.
- L'ordonnateur (le Président) décide des dépenses et des recettes. Il engage les dépenses (par exemple en signant un bon de commande), constate le service fait, liquide le montant exact à payer, puis ordonne au comptable de payer en émettant un mandat de paiement.
- Le comptable (l'Agent Comptable) vérifie la régularité formelle des opérations ordonnancées avant de les exécuter. Pour les dépenses, il contrôle notamment la disponibilité des crédits, l'exacte imputation budgétaire, la validité de la créance (justificatifs) et le caractère libératoire du paiement. Il est le seul habilité à manipuler les fonds publics.
Cette organisation à double niveau constitue une garantie contre les erreurs ou les fraudes. Si l'Agent Comptable constate une irrégularité, il doit suspendre le paiement et en informer l'ordonnateur. Ce n'est qu'en cas d'ordre de réquisition écrit (procédure exceptionnelle) qu'il peut être contraint de payer malgré ses réserves.
III. Le budget de l'université
3.1 Principes budgétaires
Le budget d'une université obéit à plusieurs principes fondamentaux qui encadrent son élaboration et son exécution :
- Le principe d'annualité signifie que le budget est voté pour une année civile (du 1er janvier au 31 décembre). Les crédits non consommés sont généralement annulés en fin d'exercice, sauf exceptions comme les crédits pluriannuels. Ce principe impose un rythme de gestion contraint avec une préparation budgétaire qui commence généralement en septembre pour l'année suivante.
- Le principe d'unité exige que toutes les recettes et toutes les dépenses figurent dans un document unique, ce qui garantit une vision globale des finances de l'établissement. Le budget comprend néanmoins plusieurs tableaux qui présentent les informations sous différents angles (nature, destination, etc.).
- Le principe d'universalité comprend deux règles :
- La non-affectation des recettes aux dépenses : toutes les recettes couvrent indistinctement toutes les dépenses (sauf exceptions comme les ressources fléchées).
- La non-contraction : les recettes et les dépenses doivent apparaître pour leur montant intégral, sans compensation entre elles.
- Le principe de spécialité implique que les crédits sont spécialisés par destination (formation, recherche, etc.) et par nature (personnel, fonctionnement, investissement). Les gestionnaires ne peuvent utiliser les crédits que pour l'objet pour lequel ils ont été votés.
- Le principe de sincérité impose que les prévisions budgétaires soient réalistes et honnêtes, ni surestimées ni sous-estimées. Ce principe est essentiel pour assurer la crédibilité du budget et éviter les dérapages en cours d'exécution.
- Le principe d'équilibre exige que le budget soit voté en équilibre réel, c'est-à-dire que les recettes couvrent les dépenses, y compris les opérations d'ordre comme les amortissements. Un déficit budgétaire peut entraîner la mise sous tutelle rectorale de l'établissement.
3.2 Structure du budget
Le budget d'une université se compose de plusieurs éléments :
- Le budget initial (BI) est le premier acte budgétaire de l'année. Voté par le CA avant le 31 décembre de l'année précédente, il fixe les prévisions de recettes et autorise les dépenses pour l'année à venir. Il est préparé sur la base d'un dialogue de gestion entre la gouvernance et les composantes de l'université.
- Les budgets rectificatifs (BR) ou décisions budgétaires modificatives (DBM) permettent d'ajuster le budget en cours d'exercice pour tenir compte des évolutions de la situation financière (recettes supplémentaires, dépenses imprévues, redéploiements de crédits). Ils suivent la même procédure que le budget initial et sont soumis au vote du CA.
- Le budget principal couvre l'essentiel des activités de l'université, tandis que des budgets annexes peuvent être créés pour certaines activités spécifiques comme les SAIC (Services d'Activités Industrielles et Commerciales) qui gèrent les prestations commerciales, ou les fondations universitaires. Ces budgets annexes obéissent à des règles particulières.
3.3 Présentation du budget
Le budget se présente selon trois dimensions complémentaires qui permettent d'analyser l'activité financière sous différents angles :
- La présentation par nature classe les dépenses et recettes selon leur nature économique :
- Pour les dépenses : personnel, fonctionnement, investissement
- Pour les recettes : subventions, droits d'inscription, prestations de services, etc.
- La présentation par destination répartit les crédits selon les missions et objectifs de l'université :
- Formation initiale et continue
- Recherche
- Documentation
- Diffusion des savoirs
- Pilotage et support
- La présentation par origine des financements distingue :
- Les financements de l'État (subvention pour charges de service public)
- Les ressources propres (droits d'inscription, formation continue, contrats de recherche)
- Les financements des collectivités territoriales
Ces trois dimensions sont croisées dans les tableaux budgétaires, offrant une vision complète et multidimensionnelle des finances de l'établissement.
IV. Les ressources financières
4.1 Subvention pour charges de service public (SCSP)
La SCSP constitue la principale ressource des universités, représentant généralement 70 à 80% de leurs recettes. Cette subvention est versée par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche pour financer les missions de service public confiées aux établissements.
Le calcul de cette subvention repose sur un modèle d'allocation des moyens qui a évolué au fil du temps. Le modèle SYMPA (Système de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité), puis plus récemment le dialogue stratégique de gestion (DIALOG), prennent en compte plusieurs critères :
- L'activité (nombre d'étudiants pondéré par filière)
- La performance (taux de réussite, publications scientifiques)
- Les charges structurelles (surfaces immobilières, implantations géographiques)
La SCSP inclut désormais la masse salariale des titulaires et contractuels sur budget État, ce qui explique son importance relative dans le budget. Elle est versée mensuellement par douzièmes et fait l'objet d'une notification formelle en début d'année.
4.2 Ressources propres
Les universités disposent de plusieurs sources de ressources propres qui viennent compléter la subvention d'État et qui sont essentielles pour leur développement :
- Les droits d'inscription sont acquittés par les étudiants lors de leur inscription. Leurs montants sont fixés nationalement par arrêté ministériel pour les diplômes nationaux (licence, master, doctorat), mais l'université peut fixer librement les tarifs des diplômes d'université (DU).
- La formation continue et l'apprentissage constituent une source croissante de revenus. Les formations destinées aux adultes en reprise d'études et les contrats d'apprentissage sont facturés à leur coût réel aux entreprises, OPCO (Opérateurs de Compétences) ou individus.
- Les contrats de recherche représentent des financements obtenus auprès d'organismes comme l'ANR (Agence Nationale de la Recherche), l'Union Européenne (programme Horizon Europe) ou des entreprises privées. Ces ressources sont généralement fléchées, c'est-à-dire affectées à un projet précis.
- La taxe d'apprentissage est une contribution obligatoire des entreprises que ces dernières peuvent choisir d'affecter en partie aux établissements d'enseignement supérieur. Elle doit être utilisée pour financer des dépenses liées à la formation professionnelle.
- Les prestations de services incluent les expertises, les analyses en laboratoire, les locations d'espaces, ou encore les colloques et conférences. Ces activités relèvent souvent du SAIC et peuvent être soumises à la TVA et à l'impôt sur les sociétés.
- Les dons et legs proviennent du mécénat d'entreprise ou de particuliers, souvent via des fondations universitaires qui bénéficient d'un régime fiscal avantageux pour les donateurs.
La diversification des ressources est un enjeu stratégique pour les universités qui cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis du financement étatique et à développer des marges de manœuvre financières.
V. L'exécution budgétaire
5.1 Cycle de la dépense
L'exécution d'une dépense suit un processus formalisé en quatre étapes principales :
- L'engagement est l'acte juridique par lequel l'université crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle résultera une dépense. Par exemple, la signature d'un bon de commande, d'un marché public ou d'un contrat de recrutement constitue un engagement. L'engagement consomme des autorisations d'engagement (AE) et doit respecter la spécialité des crédits et les règles de la commande publique. Chaque engagement fait l'objet d'un enregistrement dans le système d'information financier.
- La liquidation est l'opération qui consiste à vérifier la réalité de la dette (service fait) et à arrêter le montant exact de la dépense. Elle intervient après livraison du bien ou réalisation de la prestation. Le service fait est certifié par la personne qui a réceptionné les biens ou constaté la réalisation du service. La liquidation permet de déterminer le montant exact à payer, en tenant compte par exemple des pénalités de retard ou des remises.
- L'ordonnancement (ou mandatement) est l'ordre donné par l'ordonnateur au comptable de payer la dette. Il se matérialise par l'émission d'un mandat de paiement accompagné des pièces justificatives nécessaires (facture, certificat de service fait, etc.). Le mandat précise l'imputation budgétaire et comptable de la dépense.
- Le paiement est l'acte par lequel l'université se libère de sa dette. Il est effectué par l'agent comptable après avoir exercé les contrôles réglementaires : qualité de l'ordonnateur, disponibilité des crédits, exacte imputation, validité de la créance, caractère libératoire du paiement. Si les contrôles sont concluants, l'agent comptable procède au paiement, généralement par virement bancaire.
Ce processus garantit la régularité des opérations et permet une traçabilité complète de la dépense, depuis la décision d'achat jusqu'au paiement effectif.
5.2 Cycle de la recette
L'exécution d'une recette suit également un processus formalisé en quatre étapes :
- La constatation des droits est l'identification d'une créance au profit de l'université. Elle résulte par exemple de la vente d'une prestation, de l'inscription d'un étudiant ou de la notification d'une subvention.
- La liquidation détermine le montant exact de la somme due à l'université, en application des tarifs ou conventions en vigueur. Elle précise l'identité du débiteur, l'objet de la créance, son montant et son échéance.
- L'ordonnancement se traduit par l'émission d'un titre de recette qui matérialise la créance et constitue l'ordre de recouvrer adressé au comptable. Le titre est accompagné des pièces justificatives nécessaires (convention, décision tarifaire, état liquidatif, etc.).
- Le recouvrement est l'encaissement effectif de la recette par l'agent comptable. Il peut être spontané (le débiteur paie à réception de l'avis des sommes à payer) ou faire l'objet de relances et, si nécessaire, de mesures d'exécution forcée (saisies, oppositions) en cas de non-paiement.
La gestion efficace des recettes est cruciale pour la trésorerie de l'université. Un suivi rigoureux des échéances et des procédures de relance adaptées permettent d'optimiser le taux et les délais de recouvrement.
VI. La comptabilité
6.1 Types de comptabilité
Les universités tiennent trois types de comptabilité, complémentaires mais répondant à des objectifs différents :
- La comptabilité budgétaire suit l'exécution du budget en enregistrant la consommation des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP). Elle permet de s'assurer du respect des autorisations budgétaires votées par le CA et d'évaluer le taux d'exécution du budget. Cette comptabilité rend compte de l'utilisation qui est faite des crédits alloués.
- La comptabilité générale (ou patrimoniale) enregistre l'ensemble des opérations affectant le patrimoine de l'université selon les principes du Plan Comptable Général, avec certaines adaptations propres aux établissements publics. Elle aboutit à l'établissement du bilan, du compte de résultat et de l'annexe. Cette comptabilité en droits constatés (et non de caisse) permet d'apprécier la situation financière et patrimoniale de l'établissement.
- La comptabilité analytique analyse les coûts par activité ou par formation. Elle répartit les charges directes et indirectes entre les différents centres de coût et permet de calculer, par exemple, le coût complet d'un diplôme ou d'un laboratoire. Bien que facultative, elle est de plus en plus développée car elle constitue un outil précieux d'aide à la décision.
Ces trois comptabilités sont articulées dans le système d'information financier (généralement SIFAC) qui assure la cohérence des données et facilite les opérations de rapprochement et de contrôle.
6.2 Documents comptables
Plusieurs documents comptables formalisent la situation financière de l'université :
- Le compte financier est le document qui retrace l'exécution budgétaire et présente les états financiers à la fin de l'exercice. Établi par l'agent comptable et présenté par le Président, il doit être approuvé par le CA avant le 30 avril de l'année suivante. C'est un document public qui peut être consulté par tout citoyen.
- Le bilan présente le patrimoine de l'université à la clôture de l'exercice. À l'actif figurent les biens possédés (immobilisations, créances, trésorerie) ; au passif, les ressources qui ont permis de les financer (capitaux propres, provisions, dettes). L'équilibre entre actif et passif est toujours vérifié.
- Le compte de résultat récapitule l'ensemble des charges et des produits de l'exercice, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement. La différence entre produits et charges constitue le résultat de l'exercice (excédent ou déficit).
- L'annexe fournit des informations complémentaires pour la compréhension des états financiers : méthodes d'évaluation, engagements hors bilan, détail des provisions, etc. Elle est particulièrement importante pour les universités en raison de la complexité de certaines opérations (contrats pluriannuels, amortissements des biens immobiliers).
Ces documents, particulièrement depuis la certification des comptes, doivent répondre à des exigences de qualité et de transparence accrues.
6.3 Contrôle des comptes
Le contrôle des comptes des universités s'exerce à plusieurs niveaux :
- Le contrôle interne comptable et financier (CICF) est un dispositif permanent, intégré au fonctionnement de l'université, qui vise à maîtriser les risques comptables et financiers. Il repose sur une cartographie des risques, des organigrammes fonctionnels, des procédures écrites et des plans d'action. Le CICF contribue à sécuriser les processus et à améliorer la qualité comptable.
- La certification des comptes est assurée par un commissaire aux comptes (généralement un cabinet d'audit privé) qui vérifie que les états financiers donnent une image fidèle de la situation de l'université et sont exempts d'anomalies significatives. Cette certification, instaurée par la loi LRU, a conduit les universités à moderniser leurs pratiques comptables et à renforcer leur contrôle interne.
- Les contrôles externes sont exercés par plusieurs organismes : le Rectorat qui approuve le budget et le compte financier, la Direction Générale des Finances Publiques (contrôle hiérarchique sur l'agent comptable), la Cour des Comptes et les Chambres Régionales des Comptes (contrôle juridictionnel).
Ces différents niveaux de contrôle constituent des garanties importantes pour la qualité et la fiabilité de l'information financière produite par les universités.
VII. Spécificités de la gestion financière universitaire
7.1 Gestion par composantes
La gestion financière d'une université tient compte de son organisation interne en composantes :
- Les composantes (Unités de Formation et de Recherche, instituts, écoles internes) disposent d'une autonomie relative dans la gestion de leurs moyens. Elles sont associées à l'élaboration du budget à travers le dialogue de gestion et bénéficient d'une délégation de crédits qui leur permet de gérer leurs dépenses courantes.
- Les centres de responsabilité budgétaire (CRB) sont des unités de gestion auxquelles sont délégués des crédits. Un CRB peut correspondre à une composante, un service commun ou une unité de recherche. À leur tête, les responsables de CRB disposent d'une délégation de signature pour engager des dépenses dans la limite des crédits qui leur sont alloués.
- Le dialogue de gestion est le processus par lequel la gouvernance de l'université (Président, équipe présidentielle, Direction Générale des Services) négocie avec les composantes la répartition des moyens et fixe des objectifs. Ce processus, généralement annuel, s'appuie sur des critères objectifs (nombre d'étudiants, surface des locaux, etc.) et des projets spécifiques. Il permet d'associer les acteurs de terrain aux décisions budgétaires tout en maintenant une cohérence d'ensemble.
Cette organisation décentralisée, qui respecte la tradition d'autonomie des composantes universitaires, doit néanmoins s'articuler avec les contraintes budgétaires globales de l'établissement et la nécessité d'une stratégie commune.
7.2 Pluriannualité
La gestion financière des universités comporte une dimension pluriannuelle importante :
- Les opérations pluriannuelles sont des projets qui s'étendent sur plusieurs exercices budgétaires, comme les contrats de recherche, les programmes d'investissement ou les contrats de plan État-Région. Ces opérations nécessitent une gestion spécifique qui dépasse le cadre annuel du budget.
- Les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) sont les outils budgétaires qui permettent de gérer la pluriannualité. Les AE constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées pendant l'exercice, tandis que les CP représentent la limite supérieure des dépenses pouvant être payées pendant l'exercice. Pour un projet pluriannuel, les AE sont ouvertes dès le lancement du projet pour son montant total, alors que les CP sont échelonnés selon le rythme prévisible des paiements.
- Les restes à payer correspondent aux engagements pris mais non encore payés en fin d'exercice. Ils constituent des charges à honorer sur les exercices futurs et doivent être suivis avec attention pour éviter des à-coups dans l'exécution budgétaire.
- La programmation pluriannuelle des investissements (PPI) est un document de planification qui recense les projets d'investissement prévus sur plusieurs années (généralement 3 à 5 ans), avec leur échéancier et leur plan de financement. C'est un outil de pilotage stratégique qui permet d'anticiper les besoins de financement et d'échelonner les dépenses.
La gestion pluriannuelle est essentielle pour assurer la soutenabilité financière à moyen terme, en intégrant les conséquences futures des décisions prises aujourd'hui.
7.3 Outils informatiques
La gestion financière s'appuie sur des outils informatiques spécifiques :
- Le système d'information financier utilisé par la majorité des universités est SIFAC (Système d'Information Financier Analytique et Comptable). Ce progiciel, basé sur SAP, intègre les trois dimensions comptables (budgétaire, générale, analytique) et couvre l'ensemble du processus financier, de la préparation budgétaire au compte financier. Il permet de suivre l'exécution en temps réel et de produire des états de reporting.
- La dématérialisation des processus financiers est désormais généralisée : factures (via Chorus Pro pour les fournisseurs publics et les entreprises), pièces justificatives, signatures électroniques, etc. Cette dématérialisation accélère les traitements, réduit les coûts de gestion et améliore la traçabilité des opérations.
- Les interfaces avec d'autres systèmes sont nombreuses : avec le système de gestion des ressources humaines pour la paie, avec la plateforme d'inscription des étudiants pour les droits d'inscription, avec les logiciels de gestion des laboratoires pour les contrats de recherche, etc. Ces interfaces automatisent les flux d'information et réduisent les ressaisies.
- Les outils de pilotage et d'aide à la décision (business intelligence) permettent d'exploiter les données financières pour produire des tableaux de bord, des indicateurs et des analyses. Ils facilitent le suivi budgétaire et la prise de décision à tous les niveaux.
Ces outils informatiques, en constante évolution, constituent un levier important de modernisation de la gestion financière universitaire, même s'ils requièrent un investissement significatif en formation et en accompagnement des utilisateurs.
VIII. Enjeux actuels
Les universités françaises font face à plusieurs enjeux financiers majeurs :
- La soutenabilité financière est une préoccupation centrale. La masse salariale représente environ 80% des dépenses et tend à croître mécaniquement (effet GVT : Glissement Vieillesse Technicité), tandis que les subventions d'État n'augmentent pas toujours en proportion. Cette contrainte impose une gestion prévisionnelle rigoureuse des emplois et des compétences, ainsi qu'une maîtrise des dépenses de fonctionnement.
- La diversification des ressources est devenue une nécessité stratégique. Les universités cherchent à développer leurs ressources propres à travers la formation continue, l'apprentissage, la valorisation de la recherche, les partenariats avec les entreprises et le mécénat. Cette diversification vise à réduire la dépendance aux subventions publiques et à accroître l'autonomie financière.
- Le pilotage financier s'est professionnalisé avec la mise en place d'outils d'analyse et de prospective (comptabilité analytique, tableaux de bord, indicateurs de performance). Les universités développent une véritable capacité d'analyse des coûts et d'anticipation des risques financiers, indispensable dans un contexte d'autonomie.
- La gestion du patrimoine immobilier constitue un enjeu majeur depuis le transfert de propriété des bâtiments aux universités. L'entretien et la rénovation de ce patrimoine, souvent vieillissant et énergivore, représentent une charge financière considérable que les établissements doivent intégrer dans leur stratégie financière, notamment à travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière.
- La mutualisation des moyens et des fonctions support se développe au sein des regroupements d'établissements (COMUE, établissements expérimentaux). Elle permet de réaliser des économies d'échelle et d'offrir des services que chaque établissement ne pourrait financer seul.
Ces enjeux s'inscrivent dans un contexte de compétition internationale croissante et de contraintes budgétaires fortes, qui imposent aux universités de concilier excellence académique et efficience de la gestion.
FAQ - Foire Aux Questions
Qu'est-ce que la GBCP ?
La GBCP (Gestion Budgétaire et Comptable Publique) est un décret de 2012 qui a réformé le cadre budgétaire et comptable des organismes publics. Pour les universités, cette réforme a introduit la comptabilité budgétaire en AE/CP et renforcé la dimension pluriannuelle du budget.
Quelle est la différence entre l'ordonnateur et le comptable ?
L'ordonnateur (le Président de l'université) décide des dépenses et des recettes, tandis que le comptable (l'Agent Comptable) est chargé de leur exécution. Cette séparation constitue une garantie fondamentale de la gestion publique.
Comment s'élabore le budget d'une université ?
Le budget est élaboré via un processus itératif : cadrage budgétaire par la gouvernance, dialogue de gestion avec les composantes, préparation technique par la DAF, avis des instances consultatives, vote par le Conseil d'Administration, et approbation par le Recteur d'académie.
Qu'est-ce que la certification des comptes ?
C'est un processus d'audit externe des comptes par un commissaire aux comptes qui vérifie que les états financiers donnent une image fidèle de la situation financière de l'université et ne comportent pas d'anomalies significatives.
Qu'est-ce qu'une ressource fléchée ?
Une ressource fléchée correspond à un financement affecté à une destination précise, dont l'emploi est soumis à conditions (contrats de recherche, taxe d'apprentissage, etc.). Son suivi est spécifique dans le budget.
Qu'est-ce que le compte financier ?
C'est le document qui retrace l'exécution budgétaire et présente les états financiers de l'université à la fin de l'exercice. Il est préparé par l'Agent Comptable, présenté par le Président et voté par le CA avant le 30 avril de l'année suivante.
Qu'est-ce que la capacité d'autofinancement (CAF) ?
La CAF représente les ressources financières générées par l'activité de l'université et disponibles pour financer ses investissements. Elle est calculée à partir du résultat de l'exercice, augmenté des charges non décaissables et diminué des produits non encaissables.
Quels sont les principaux indicateurs financiers à surveiller ?
- Le résultat de l'exercice (solde du compte de résultat)
- La capacité d'autofinancement
- Le fonds de roulement (ressources stables - actif immobilisé)
- La trésorerie
- Le taux d'exécution du budget (réalisé/prévu)
- Le poids de la masse salariale (% des dépenses totales)